Kakuko Moriyama vient de Kumamoto, petite ville du sud du Japon. C’est son professeur de dessin, Ebihara, fils adoptif du peintre Foujita qui le premier lui a raconté ce Paris des années folles, capitale des artistes par excellence. Précédée de Moriyama qui allait devenir son mari, elle s’installe à Boulogne-Billancourt, dans les années 70 et s'inscrit à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts.

Là, elle fait la connaissance de l’artiste abstrait Leppien. Rencontre capitale : l’ancien élève de Kandinsky l’introduit dans la voie de l’abstraction. Kakuko construit ses tableaux dans l’espace. Des oeuvres d’une beauté toute graphique. Mais qu’ils soient exubérants de couleurs ou sobrement noir et blanc, jamais un cœur ne fait défaut. « Les cultures du monde entier reconnaissent ce signe », indique-t-elle le visage souriant. Alors ils s’étalent. Immenses, sur toute la surface du tableau,ou en minuscules points. Quelle que soit leur taille, ils sont là. Témoins de l’amour et de la joie que souhaite transmettre Kakuko.

Portrait de Pascal Fournier
Le blog de Pascal Fournier

 


  
" (...) Le soleil est partout dans l'oeuvre de Kakuko, sinon dans chaque tableau, du moins dans l'esprit qui l'a conçu. Rouge, orange, jaune, des couleurs éclatantes jusqu'à la virulence transforment leur jaillissement chromatique en une incoercible source de joie. Juxtaposés dans une géométrie minimale - le carré ou le rectangle - qui les structure sans les canaliser, des tons purs d'égale intensité font exploser et l'oeil et la palette.

Ultime solvant de toute peine, dernière ressource contre les forces négatives : la couleur, la couleur voulue à profusion, une couleur de peintre qui bat et se bat comme le cœur d'un être humain. Tracé en filigrane, fragmenté, répété ou bien placé au centre de la composition, le "cœur innombrable" de Kakuko esquisse une règle de vie où l'amour et la gaieté sont des valeurs incluses, et le courage, une simple forme de courtoisie.

Quand le lyrisme plastique laisse place à la gravité, même les noirs et les blancs inventent des tonalités réconfortantes dont les nuances inédites, noir chaleureux ou blanc foncé, sont encore adoucies par le discret apport d'une touche dorée. Dans un dialogue ininterrompu entre peinture et poésie, le cœur dévide du soleil. "

Nicole Ambourg
Conservateur à la documentation du Musée des années 30 à Boulogne-Billancourt